Amnésie

Bientôt, certains de mes espaces disparaîtront.

Je sais que je ne peux tout garder et ce sera avec regret que je fermerai ces fenêtres.

L'un de mes "ailleurs" est né un jour où le chagrin était si fort qu'il fallut que je l'écrive pour ne pas abandonner tout à fait.

Là-bas, j'ai écrit très peu. Mais suffisamment pour que j'aie envie de garder quelques textes.

C'était hier, ou avant-hier.

Mais cet être qui écrit, que ce soit ici, là ou ailleurs, qui dit ses rêves la plupart du temps, qui raconte des histoires à dormir debout, n'est pas meilleur ni pire que la plupart d'entre vous.

Garder des souvenirs, les ranger... juste pour ne pas les oublier.



...

Dans la Forêt des Merveilles, un soir de décembre, un petit lutin pleurait.

La neige avait recouvert chaque trace et une épaisse couche de nuages gris lui cachait les étoiles.

Comment, mais comment ferait-il pour retrouver ce qu'il avait perdu ?

Il avait beau se dire que ce n'était pas grave, qu'il en avait vu d'autres, que le plus important perdurait toujours au cœur de la forêt... il n'arrivait pas à s'en persuader.

Il ne savait même plus comment il était arrivé là.

Il se pencha sur l'eau glacée d'un étang.

Il en frotta doucement la surface, espérant y voir autre chose que cet être un peu étrange et sans couleurs.

C'était froid, mais pas désagréable. Moins humide que l'air qui l'entourait et qui le faisait frissonner.

Qui était-il ? D'où venait-il ?

Il se souvint d'une mélodie, d'un poème... et il vit danser autour de lui, comme dans un rêve, des êtres qui lui ressemblaient, qui étaient rouges, roses, bruns, verts, bleus.. Ne devrait-il pas, lui aussi, porter l'un de ces habits colorés ?

Sa houppelande rapiécée était toute délavée. De quelle couleur était-elle, avant ?

Mais avant quoi ?

Un peu plus loin, un lutin d'or s'était allongé près de la rivière et somnolait. L'image était jolie. On aurait cru que l'eau se paraît comme un sapin le soir de Noël.

Noël ?

Cela sonnait comme une fête sucrée...

Le petit lutin sentit sur ses lèvres un arrière goût doux et velouteux. Il ne put pas y mettre un nom.

C'était du... chaud ? du cho... ?

Il secoua la tête sans plus chercher.

Ce faisant, il chassa sans le vouloir ses derniers souvenirs.

Il se baissa pour ramasser une baie de houx qui avait roulé sous sa chaussure.

Avait-il faim ou soif ? Il ne le savait pas.

Il sentit confusément qu'il aurait dû se mettre à l'abri, que la neige qui le recouvrait peu à peu le transformerait bientôt en une curieuse sculpture éphémère. Mais il ne bougea pas. Il la laissa l'envelopper tendrement.

Il ferma les yeux comme s'il acceptait cette évidence.

Demain serait encore demain, même si, là-bas, très loin, plus loin que la forêt, que l'étang, les cailloux qu'il avait semés et qui brillaient dans la nuit ne lui rappelaient rien.

© Quichottine, 5 décembre 2012 

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Merci à Jackie pour cette image à retrouver sur sa page originale :

http://www.jifou.org/article-donne-moi-115036836.html

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